CITATION DU JOUR

"La maladie se supporte mieux quand on est supportée"
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dimanche 25 janvier 2009

Yes, I can

Mardi, 20 janvier 2009.

Depuis deux jours, j'arrive à manger. C'est délicieux. Je mange des légumes, des fruits, et surtout je garde tout. L'honneur est sauf. Je ne vais pas mourir, je me nourris. Bien sûr, j'ai besoin d'aide médicamenteuse pour bien protéger mon estomac. Bien sûr, je bouffe de la cortisone à la pelle. Et oui, bien sûr, je bouffe de la codéine et bien sûr, je n'ai pas chié depuis … je ne me souviens plus. Et puis, comme je l'ai déjà dit à ma mère, chier n'est pas un évènement pour moi, je ne surveille pas le fonctionnement de mes intestins. Le devrais-je à l'avenir ? Aurais-je, moi aussi, à espérer ma crotte quotidienne ?

J'ai sûrement dormi. Pas longtemps, mais assez pour me réveiller à toutes les visites et surtout pour regarder la télé à 6h30 ce matin. Ma première image, un séjour en thalassothérapie de luxe à Djerba. Parce que je le vaux bien. Allez hop, à la douche, question de ne pas être en retard pour mon PET-scan de 8 heures. J'ai même mis du rouge à lèvres. Je tiens le coup. Ai-je le choix ? On m'injecte, je pisse radioactif, on me scanne, et j'ai droit, enfin, à un petit déjeuner frugal, c'est-à-dire français, sans saucisse, ni bacon, ni crêpe, ni sirop d'érable. Je dilue même mon thé avec de l'eau froide. Si, si. Vous avez bien lu. Il est loin le temps où je déjeunais de quatre expressos bien tassés en fumant trois clopes.

J'ai tenu, tenu, tenu. Jusqu'au moment où mon transporteur préféré, RV, mon accompagnateur à tous ces tests, me dise "Lâches-pas la belle". Oh la la ! La fontaine. Vite vite dans ma chambre, dans la salle de douche. Si j'avais pu me mettre au fond du tuyau je l'aurais fait.

Et puis, l'adorable interne est venue me voir. Me dire que tout était négatif, enfin positif, du moins dans ma tête. Parce que je n'ai même pas pensé à la métastase qui s'est maintenant formée dans une autre sacrée vertèbre. Et là, la petite lumière au fond du couloir qui s'était éteinte s'est rallumée tout d'un coup. Surtout quand elle m'a dit qu'il y aurait la chimio dans l'après-midi. Et là, comme par magie, plus de maux de cou, de tête, de migraine. Rien, nada, nothing ! Votre pensée peut tout, du pire comme du meilleur.

J'ai téléphoné à tout mon répertoire. J'ai explosé mon forfait. Je suis allée me promener. J'ai mangé avec appétit le déjeuner du jour, du coleslaw, salade préférée de mon père et un filet de lieu à la Dieppoise. Je rappelle ici à mes compatriotes Québécois que Dieppe est en Normandie, que je suis mariée avec un Normand, qu'on peut faire dire aux statistiques ce que l'on veut, mais comme Grand Castor le discourait, les chiffres, quand ils parlent, il faut les écouter. Coincidence ? I think not !

J'avais beaucoup misé sur le début de la chimio. Grâce à l'intervention rapide de mon équipe de choc, Mr.X. et Ma Reine, on m'avait dit en sortant du Maréchal et en arrivant chez les cancéreux que c'était pour ce mardi. Ce mardi. Le 20. You hou ! Le 20 janvier, journée de l'investiture de BHO et, j'avais tout misé sur le cheval. Genre de conneries qui peuvent faire mal mais qu'on fait tous … si je ne vois pas d'auto rouge dans les cinq prochaines minutes, je guérirai. Mais, vu les tests qui s'éternisaient, j'avais présumé que la chimio attendrait. Maudite présumation.

Je me suis donc baladée après le lieu cherchant frénétiquement, comme un saumon quoi, une boîte de chocolat à envoyer au Maréchal et surtout, j'avais repéré un magasin de jouets vendant des pantoufles. Rien à faire. Le chocolat au lait simple n'existe plus, la marchande de pantoufles s'offre un déjeuner à rallonge. Pas moyen de dépenser un sous. Portable. Mr.X. est à l'hôpital des cancers, en visite surprise. Merde, il n'était pas à mon agenda. Et hop ! On y retourne.

J'ai vécu le reste de la journée, et je vis le reste de la nuit, dans une drôle d'ambiance. Je me suis fais une playlist sur l'ordi : Janis Joplin, Peter Gabriel, Ariane Moffatt, Alanis Morissette, Les Cowboys Fringants. Laurène Bacall est venue me mettre son aiguille, enfin pas la sienne, celle d'Huber. Et là, en écoutant la musique à donf, en regardant BHO s'investir, en me mettant du vernis à ongles anti-noirceur* en enfin en braillant comme une vache, j'ai reçu du fond de sa pochette, LE taxotère.

Je suis soulagée.

Et zou !

*En hommage à mes amis pharmaciens Québécois adeptes du beau marketing : Evonail Solution. Totum, lithium, strontium, manganèse. Solution pour régénérer les ongles altérés lors de certains traitements spécifiques. À appliquer deux fois par jour.

Et la suite …

Je vous la fait courte, puisqu'il n'est plus question maintenant que de migraine, maux de cou, nausées et de quelques vomissements. L'angoisse. L'angoisse.

Scanner à l'iode, rayons X tout du long et ponction lombaire en prime. En deux jours j'ai défoncé le budget de l'hôpital.

Mr.X., Junior et les Beaux sont venus me voir, sont venus me chercher de là où j'étais, du fond de mon trou, là où j'errais, du fond de mon hère, qui effraie bien sûr. Merci à Gotlib pour celle là.

J'ai peur, et toujours ces nausées, ces maux de tête, ce mal de cou. Qu'est-ce qui m'arrive ? Mon cerveau serait-il maintenant atteint ?

La qualité de la nourriture s'est grandement améliorée depuis que je suis à Huguenin, mais rien n'y fait. J'ai plus envie de rien. Je m'enfonce sans pouvoir compter sur vous puisque j'ai passé la journée de lundi à rechercher une connexion internet pour mes gémissements cybernétiques. Le téléphone existant toujours, j'appelle tous les gens, y compris ma nièce et mon neveu, prétendant bien sûr vouloir les aider. Mais je ne suis plus dupe, j'ai besoin d'eux. J'ai besoin de ma famille tricotée serrée.

Malgré tout, le quotidien m'appelle et j'ai contacté la mutuelle, j'ai écris mes cartes de remerciement pour le général, acheté un lait anti-desséchant pour la peau, c'est qu'on soigne nos coudes dans ma famille. Je me suis promenée, j'étais bien. Mon prochain examen n'étant que pour le lendemain, je me sentais libre.

Retour dans ma chambre, d'hôpital. On me cherche. On a une place, vite vite pour un autre examen, une IRM. Et hop ! Les vacances sont finies. Une IRM avec une migraine, la prochaine sera pour jeudi. Je présume que la chimio qui devait commencer mardi devra attendre aussi.

L'angoisse. Je me dis qu'à force de chercher, ils vont finalement finir par trouver quelque chose. Peut-être pas une masse, du tissu, mais peut-être quelques cellules qui se seraient échappées de ma colonne pour prendre le chemin de la moelle buissonnière.

Et tout ça, entrecoupé, toujours, de nuit de six heures, visitées. J'en peux plus.

Et zou quand même !