CITATION DU JOUR

"La maladie se supporte mieux quand on est supportée"
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mardi 19 mai 2009

Au poil et en selle


Je vous racontais précédemment que j'étais allée "jaser" avec les cops vendredi dernier, au café du village. C'était vraiment cool. Il y a quelque chose, comme une immense solidarité, un soutien, un filet. Je me sens bien avec elles. Au bout de deux heures de discussion, il a bien fallu qu'on se sépare, d'autant plus que l'odeur du poulet rôti commençait à me donner un peu mal au cœur ! On est restées sur la terrasse, pour les adieux, au moins 30 minutes supplémentaires et nous avons été rejointes par une autre madame du village. Une belle dame qui nous racontait que son fils était élève jardinier au château de Versailles. J'ai une préférence pour les métiers manuels, autres que tapoter sur un clavier, je trouve que l'humain y gagne beaucoup. J'ai beaucoup choqué mes collègues intellectuels scientifiques à l'époque, quand je disais (criais !) que j'aimerais que Junior devienne plombier.

La madame dont le fils est jardinier souffre aussi d'un cancer du sein, mais je ne m'en suis pas aperçue. C'était pas écrit sur son front et elle portait une perruque. La même que la mienne en fait ! Sur le chemin du retour, avec Fabulous, je me suis demandée si je ne devrais pas cacher, je ne trouve pas de meilleur mot, mon crâne sous une perruque. Je me suis demandée pourquoi je tenais tant à ce que les gens sachent que j'étais malade. Ai-je besoin de pitié ? Ai-je besoin qu'on fasse attention à moi ? Ai-je besoin de reconnaissance ? Fabulous, quant à elle, me dit que je pense trop … en me promenant la tête à poil je ferais avancer la cause parce que je permettrais aux gens d'en parler et de démystifier la maladie. C'est vrai qu'en France on voit très peu d'handicapés et de malades. La France, pays des apparences et de l'apparat.

Junior est rentré de l'école vendredi soir comme à toutes les semaines, sauf que cette fois-ci, il revenait aussi d'un voyage en Angleterre. Un séjour rapide, trois jours, mais n'empêche, j'avais un peu les chochottes. Il nous a rapporté des brownies de chez Mark and Spencer et un magnifique Big Ben en cristal avec des loupiotes et tout et tout. J'étais super émue. C'est la première fois qu'il nous fait des cadeaux, même si c'est lui qui s'est tapé tous les gâteaux et que Big Ben a fini dans sa chambre comme lampe de chevet !

J'ai voulu changer de selle pensant qu'avec un nouveau siège je serais plus confortable à cheval. Du même coup, le prétexte de la selle me donnait une bonne raison pour ne plus remonter à cheval. Facile. Je crois que c'est le concours handisport et surtout ma discussion avec une des athlètes qui m'ont donné le coup de pied au cul. Bien sûr, le stress de la prochaine chimio me paralysait aussi, mais ça, c'est dans la tête ! Samedi dernier, c'était le grand jour, le jour du test. Ça m'a pris tout mon p'tit change pour enfiler ma culotte de cheval, aller chercher une selle que j'avais repérée sur internet et me rendre, sous la pluie, à l'écurie. Mais une fois sur place, la magie s'est encore une fois opérée. Plus de douleurs (bon OK, j'avais pris ma pilule avant), plus de crampes et le soleil qui était revenu. Je suis arrivée alors que la reprise était en cours, Dada étant monté par la proprio du devant. J'ai essayé trois selles, dont une Hermès, pour finalement revenir … à ma selle. Il n'y a que les fous qui ne changent pas d'idées.

Et zou !

samedi 31 janvier 2009

Mon vendredi

Hier, je suis sortie de mon hivernation* de la semaine. Hivernation relative car j'ai tout de même fait fonctionner mes doigts sur le clavier, et ma bouche dans le téléphone. Nous sommes donc allés, Mr.X. et moi déjeuner avec des copains expats, July du Québec, lui d'Irlande. Mon premier vrai repas depuis l'hôpital des cancers, le muguet m'abandonnant lentement. C'était délicieux ! J'ai mangé un saumon rosé à point et un écrasé de pommes de terres façon belle-mère, des patates pillées quoi. En dessert, le summum, une des meilleures crèmes brûlée que j'ai jamais mangée, avec de l'eau de fleur d'orangers. J'aime la France !

Ça faisait longtemps qu'on ne s'était pas vus, depuis une éternité, seuls. Parce que depuis le temps qu'on se connaît, on a eu le temps de faire des enfants et nos réunions étaient familiales plutôt qu'amicales. Là on s'est retrouvé entre nous pour parler d'affaires de grands : les enfants, le boulot, la décoration des maisons, l'avenir, la joie d'être ensemble. Il faisait tellement beau que j'ai pris plaisir à aller fumer ma clope dehors. Une invitation au fumage.

Comme on avait du temps (Yes !), on s'est fait une petite ballade et nous nous sommes arrêtés à Thoiry, dans un tabac non-fumeur, pour prendre un café, acheter quelques revues de cheval et jouer au rapido. Je deviens tellement Française ! Ensuite direction "Poularde", près de Septeuil pour aller chercher Junior dans sa pension de luxe. J'aurais dû apporter mon appareil photo, c'était tellement beau. Pour le plaisir de mes p'tits amis Québécois, quelques noms réels de villages que nous avons côtoyés : St-Nom-la-Bretèche, Villiers-le-Mahieu, Amouville-lès-Mantes, Rosay, Vert (et son feu tricolore) … J'aime la France !

Et l'arrivée triomphale de Junior, en uniforme, certes (c'est son expression favorite), mais complètement débraillé. Comme je l'aime. Un esprit créatif encadré. Pendant qu'il est retourné chercher ses affaires, sa valise et son cartable**, j'ai enfin eu la chance de rencontrer sa Maîtresse (avec un très grand "M"), dans le sens de celle qui le guide, celle qui lui montre, lui enseigne, l'encourage, lui met des limites, sanctionne. J'étais tellement contente. J'ai aussi eu le temps de papoter avec "La surveillante du dortoir" ! Ça fait peur hein ? C'est peut-être fait exprès ! Après tout je n'ai pas 20 ans d'expérience dans l'enseignement et la pédagogie, comme la directrice de l'école. Entre nous, je vais surnommer "la surveillante du dortoir" Madame Mitaine de Fer, surtout en ces temps d'hiver vivifiants. Mitaine de Fer a montré à Junior comment faire ses lacets. Les scratchs*** sont mauvais pour nos enfants, cela les rend paresseux et surtout très doués pour faire tourner leur mère en bourrique. Junior aura 10 ans en avril. Ça fait cinq ans, la moitié de sa vie, que je lui montre, avec différentes méthodes (marine, armée, petites oreilles de lapin). Rien à faire. Lâ pas compris ! Et cette Madame Mitaine y arrive, en à peine une semaine. Je l'ai toujours dit, laissons les gens compétents faire leur travail. Mes hommages Mesdames !

Sur le chemin du retour, après Vert nous prenons l'autoroute. C'est moins joli mais non sans intérêt. Lisez bien la suite, public captif. Nous passions devant la centrale hydro-électrique d'EDF (une roue de voiture "Hotwheel" comparée à celle d'un Caterpillar, je pense à vous salariés du monde) et Junior de remarquer, voyant arriver j'imagine une crise mondiale d'énergie (c'est fou ce qu'on leur apprend dans "Sciences et Vie" à Junior ou dans les Simpsons), qu'il serait peut-être bien de construire une usine nucléaire dans notre village (no commerce). Le premier choc passé (pas dans mon jardin en France, pas dans ma cour au Québec, pas dans mon garage avec les copains), nous avons tenté de lui expliquer le pourquoi du comment. La semaine dernière nous avons "pôgné le p'tit torrieux" jouant à un jeu où le but était, à l'aide d'une tornade, de faire le maximum de dégâts possibles, qui naturellement étaient chiffrés en dollars. Junior s'est bien vite rendu compte qu'en détruisant les centrales nucléaires il se faisant un max de cash ! On m'a mis le holà là-dessus en disant que ce n'était pas vraiment constructif. Ben, chu contente. Je lui ai laissé faire son expérience, aujourd'hui il joue à se construire un vignoble et empoche 1000€ à jour. Et surtout, il a abandonné l'idée de faire construire la centrale. On a un permis de construction à demander à la mairie pour faire une terrasse, c'est pas le moment.

Et en revenant, j'ai joué à la mère. Chose qui ne m'arrive qu'extrêmement rarement (j'y travaille !). J'ai recousu le bouton de la veste rappelons-nous que la créativité doit être encadrée pour Junior et lui ai servi un verre de lait avec 2 biscuits. Ma job était faite. La Madame était contente.

Et zou !

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*Hivernation, à ne pas confondre avec hibernation, moments que l'on prend pour reprendre ses forces, de préférence devant la cheminée, sans trop culpabiliser.

** Le cartable en France, c'est le sac d'école des cadres, c'est-à-dire la "serviette" de mon père mais avec une poignée. Le cartable de Léo est un vieux sac d'école de Mr.X. Au Québec, un cartable, c'est un classeur, avec des anneaux de métal, qui sert à mettre des feuilles "mobiles". Extraits de mes premiers chocs au bureau, à venir.

*** Scratchs en France, velcro au Québec.

**** Pôgner = surprendre. Le torrieux au Québec est une personne un peu espiègle, aimant jouer des tours ! C'est aussi un petit futé débrouillard, qui vient à bout des problèmes de toutes sortes. Jamel quoi !