CITATION DU JOUR

"La maladie se supporte mieux quand on est supportée"
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dimanche 8 février 2009

Québécoise ou Française ?

On a décidé de faire une surprise à Junior. Faut dire qu'il fait des efforts, des gros gros efforts. Un chêne en devenir ? Il lui reste encore une semaine d'école, pleine de contrôles et d'examens. Il nous a dit qu'il visait cette année le premier prix d'anglais, encourageons-le ! Mr.X. nous a donc concocté une surprise à sa façon, c'est-à-dire rare et inoubliable ! On a décidé de fêter la demi-radiothérapie en particulier et la vie en général.

Nous sommes partis vendredi après-midi avec Céleste pour aller chercher le Junior directement à Poularde. L'enfer. Céleste est une chienne géniale, mais l'auto, elle ne supporte pas. Nous avions un peu de retard et tous les enfants étaient déjà partis de la pension quand nous sommes arrivés. Il y avait notre Junior qui nous attendait fébrilement, oui il savait pour la surprise, mais comme une surprise, c'est une surprise et si on le dit ce n'est plus une surprise et bla bla bla ! On a tenu le plus longtemps possible mais avec Céleste qui gémissait et Junior qui nous demandait aux deux minutes dans combien de temps on arrivait, on a cédé et Mr.X a fini par avouer qu'il nous avait préparé une surprise "De Luxe". Le silence s'est fait immédiatement, Céleste y serait-elle aussi sensible ?

Au programme une nuit à l'Hostellerie du Clos avec diner gastronomique six services. J'ai mangé des affaires que je ne savais même pas que cela existait, donc une soupe de topinambours garnie de "sot l'y laisse". Au Québec nous les appelons les « solilesses ». Mais je préfère l'orthographe française, un point. Ce fut le meilleur repas de ma vie.

Nous sommes arrivés et le Monsieur du Clos est venu nous chercher, avec son parapluie, sous la neige à gros flocons. C'était féérique. Naturellement, mon appareil photo est en rade. Tout le monde était un peu énervé et nous sommes arrivés, attendus, dans un havre de calme, après les 15 premières minutes. Le chocolat, bien en évidence sur la table, avec une bouteille de cidre normand, qui a rendu l'âme en moins de deux, le temps que je me fasse couler un bain. Elle est pas belle la vie ! En arrivant, nous avions deux étages à monter et Junior d'expliquer que je ne pouvais pas monter les valises, comme je le fais d'habitude, parce que j'avais un cancer dans la colonne vertébrale. J'aime mon fils ! La situation était claire ! J'ai rediscuté avec nos hôtes par la suite pour expliquer la situation et ils ont été adorables, très chaleureux, très "Québécois". Cécile m'a serrée dans ses bras comme une vraie Matante. Le lendemain, Éric en me raccompagnant à l'auto, toujours avec son parapluie sous la neige, m'a fait promettre d'arrêter de fumer avant de revenir les voir, même si cela prend du temps. They cared, je vous dis.

Direction, Damville, où nous allons visiter le Chocolatrium. Nous avons traversés des endroits avec des noms rigolos : La ferme de Nuisement, Arnières sur Iton, Mont-Morin, Le Hamel.

Le Chocolatrium c'est une usine de chocolat qui a été aménagée pour aussi recevoir des visiteurs, grands et petits, pour la culture et les affaires. Je trouve l'idée excellente. On mélange les genres et on garde que ce qu'il y a de bon de part et d'autre. Tout est parfait, expo, film, boutique sauf, pour la Québécoise en moi, le cadeau final. Je vous explique. On sort d'une exposition où les sens de la découverte et de l'initiative sont mis en valeur. Le dur labeur aussi. À la sortie, chaque visiteur reçoit un cadeau de son choix : un jeu de cartes des 7 familles, une boîte contenant neuf chocolats ou le DVD du film. Vous pensez bien que je n'ai pu résister au chocolat. En ouvrant la boîte je découvre une étiquette où il est écrit "Les chocolats contenus dans cette boite ont été réalisés par les apprentis qui travaillent dans l'atelier du Chocolatrium". J'ai trouvé l'idée carrément géniale, mais vraiment. J'ai été 'bluffée" comme on dit ici ! Cependant, un tout petit sentiment de malaise. Pourquoi ne pas mettre en avant cette initiative (étiquette collé à l'intérieur, caractères dorés sur fond cartonné, aucune mention de la part de l'employée de la boutique pas trop transportée en ce samedi matin) ? Je trouve dommage de ne pas faire de la pub, de communiquer là-dessus. D'expliquer les raisons qui ont menées à ce projet (valorisation des employés, no gaspillage attitude, etc.). En même temps j'essaie de comprendre la pudeur qui consiste à ne parler de cela que sous le couvert d'une boîte de chocolats, aussi délicieux fussent-ils.

Les apparences comptent encore beaucoup en France, beaucoup plus qu'au Québec, au Canada. Trop pour que l'on puisse toutes retirer nos perruques (postiches) en même temps !!! Je comprends donc, même si je ne m'y résigne pas, ce "plafond de verre". France zéro point. Québec un point.

L'enfer, ce fût le retour sous la pluie, en passant par Évreux, le labyrinthe Normand. Tous commerces ouverts, avec piétons, flics. Mais aussi un nom de pâtisserie "La Mie Câline", un rayon de soleil sur l'autoroute (salut P'pa !), des chevaux courant dans les prés, Junior qui sifflotait, juste, la Grande Vadrouille. Et aussi, les trois chevreuils croisés sur le chemin du matin. France ½ point.

À notre retour, mes chums québécois me "tirent la pipe"* via Facebook en me demandant si j'avais voté Sarkozy aux élections ? Ils m'ont envoyé une vidéo YouTube où, il me semble, prendre plus le côté de Charest que celui de Sarkozy. Et bien oui, j'ai voté Sarkozy et je crois avoir fait le bon choix. Rome ne s'est pas fait en un jour, moi non plus. Ceux qui me connaissent savent que j'ai toujours été séparatiste, nationaliste, péquiste, et ce même avant d'avoir le droit de vote. Beaucoup plus par "cœur" que par "raison" tout simplement parce que je n'étais pas très informée et que je ne lisais que les grands titres des journaux, que j'étais étudiante, et qu'on était dans les années 80. Un des chocs que j'ai vécu en arrivant ici c'est de voir la proportion de gens, comparativement aux Québécois, Canadiens, Étatsuniens, qui sont déjà sortis de leur pays. Essayez ! Cela change la vie, pour peu que l'on ait envie d'apprendre et d'ouvrir les yeux. On apprend tellement des gens quand on leur fait confiance. Quand on retire ce panneau de verre.

Oui, vivant au Québec, voilà 12 ans je serais à vos côté amis, mais aujourd'hui, je suis ici, en France, en Europe. Après avoir visité 27 pays, merci à mon boulot, je crois sincèrement qu'il faut lever les yeux. S'ouvrir. Positiver. Chu rendue kétaine, hein ! Sauf qu'en promenant Céleste samedi matin je regardais par terre, avec mon chapeau et j'ai eu envie de lever les yeux. J'ai vu le clocher de l'église de la Madeleine et oui c'est beau. C'est peut-être la seule concession que je peux faire (pour l'instant ?) à la religion. Grâce à elle, l'architecture est magnifique.


Pour ceux qui ont envie de s'ouvrir l'esprit, juste pour voir. Après tout, ça coûte rien, un peu de temps. Prenez-le ! **

Alors, suis-je Québécoise ou Française.

Les deux mon capitaine !

Et zou !

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*Expression québécoise signifiant taquiner. Peut être assimilé à becs à pincettes avec ceux qu'on aime bien.

** Lectures suggérées :

Un prochain réveil du nationalisme québécois ? Marc-Olivier Bherer, journaliste, Courrier International.

Running on Book Sense and Charm. Eric Konigsberg, journaliste, New York Time. Article sur le nouveau chef du parti libéral canadien. Dommage cependant la comparaison avec Bernard-Henry Lévy.

C'est ce que j'aurais dit si j'avais été journaliste ... Sarkozy: le fond et la forme, Alain Dubuc

samedi 31 janvier 2009

Mon vendredi

Hier, je suis sortie de mon hivernation* de la semaine. Hivernation relative car j'ai tout de même fait fonctionner mes doigts sur le clavier, et ma bouche dans le téléphone. Nous sommes donc allés, Mr.X. et moi déjeuner avec des copains expats, July du Québec, lui d'Irlande. Mon premier vrai repas depuis l'hôpital des cancers, le muguet m'abandonnant lentement. C'était délicieux ! J'ai mangé un saumon rosé à point et un écrasé de pommes de terres façon belle-mère, des patates pillées quoi. En dessert, le summum, une des meilleures crèmes brûlée que j'ai jamais mangée, avec de l'eau de fleur d'orangers. J'aime la France !

Ça faisait longtemps qu'on ne s'était pas vus, depuis une éternité, seuls. Parce que depuis le temps qu'on se connaît, on a eu le temps de faire des enfants et nos réunions étaient familiales plutôt qu'amicales. Là on s'est retrouvé entre nous pour parler d'affaires de grands : les enfants, le boulot, la décoration des maisons, l'avenir, la joie d'être ensemble. Il faisait tellement beau que j'ai pris plaisir à aller fumer ma clope dehors. Une invitation au fumage.

Comme on avait du temps (Yes !), on s'est fait une petite ballade et nous nous sommes arrêtés à Thoiry, dans un tabac non-fumeur, pour prendre un café, acheter quelques revues de cheval et jouer au rapido. Je deviens tellement Française ! Ensuite direction "Poularde", près de Septeuil pour aller chercher Junior dans sa pension de luxe. J'aurais dû apporter mon appareil photo, c'était tellement beau. Pour le plaisir de mes p'tits amis Québécois, quelques noms réels de villages que nous avons côtoyés : St-Nom-la-Bretèche, Villiers-le-Mahieu, Amouville-lès-Mantes, Rosay, Vert (et son feu tricolore) … J'aime la France !

Et l'arrivée triomphale de Junior, en uniforme, certes (c'est son expression favorite), mais complètement débraillé. Comme je l'aime. Un esprit créatif encadré. Pendant qu'il est retourné chercher ses affaires, sa valise et son cartable**, j'ai enfin eu la chance de rencontrer sa Maîtresse (avec un très grand "M"), dans le sens de celle qui le guide, celle qui lui montre, lui enseigne, l'encourage, lui met des limites, sanctionne. J'étais tellement contente. J'ai aussi eu le temps de papoter avec "La surveillante du dortoir" ! Ça fait peur hein ? C'est peut-être fait exprès ! Après tout je n'ai pas 20 ans d'expérience dans l'enseignement et la pédagogie, comme la directrice de l'école. Entre nous, je vais surnommer "la surveillante du dortoir" Madame Mitaine de Fer, surtout en ces temps d'hiver vivifiants. Mitaine de Fer a montré à Junior comment faire ses lacets. Les scratchs*** sont mauvais pour nos enfants, cela les rend paresseux et surtout très doués pour faire tourner leur mère en bourrique. Junior aura 10 ans en avril. Ça fait cinq ans, la moitié de sa vie, que je lui montre, avec différentes méthodes (marine, armée, petites oreilles de lapin). Rien à faire. Lâ pas compris ! Et cette Madame Mitaine y arrive, en à peine une semaine. Je l'ai toujours dit, laissons les gens compétents faire leur travail. Mes hommages Mesdames !

Sur le chemin du retour, après Vert nous prenons l'autoroute. C'est moins joli mais non sans intérêt. Lisez bien la suite, public captif. Nous passions devant la centrale hydro-électrique d'EDF (une roue de voiture "Hotwheel" comparée à celle d'un Caterpillar, je pense à vous salariés du monde) et Junior de remarquer, voyant arriver j'imagine une crise mondiale d'énergie (c'est fou ce qu'on leur apprend dans "Sciences et Vie" à Junior ou dans les Simpsons), qu'il serait peut-être bien de construire une usine nucléaire dans notre village (no commerce). Le premier choc passé (pas dans mon jardin en France, pas dans ma cour au Québec, pas dans mon garage avec les copains), nous avons tenté de lui expliquer le pourquoi du comment. La semaine dernière nous avons "pôgné le p'tit torrieux" jouant à un jeu où le but était, à l'aide d'une tornade, de faire le maximum de dégâts possibles, qui naturellement étaient chiffrés en dollars. Junior s'est bien vite rendu compte qu'en détruisant les centrales nucléaires il se faisant un max de cash ! On m'a mis le holà là-dessus en disant que ce n'était pas vraiment constructif. Ben, chu contente. Je lui ai laissé faire son expérience, aujourd'hui il joue à se construire un vignoble et empoche 1000€ à jour. Et surtout, il a abandonné l'idée de faire construire la centrale. On a un permis de construction à demander à la mairie pour faire une terrasse, c'est pas le moment.

Et en revenant, j'ai joué à la mère. Chose qui ne m'arrive qu'extrêmement rarement (j'y travaille !). J'ai recousu le bouton de la veste rappelons-nous que la créativité doit être encadrée pour Junior et lui ai servi un verre de lait avec 2 biscuits. Ma job était faite. La Madame était contente.

Et zou !

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*Hivernation, à ne pas confondre avec hibernation, moments que l'on prend pour reprendre ses forces, de préférence devant la cheminée, sans trop culpabiliser.

** Le cartable en France, c'est le sac d'école des cadres, c'est-à-dire la "serviette" de mon père mais avec une poignée. Le cartable de Léo est un vieux sac d'école de Mr.X. Au Québec, un cartable, c'est un classeur, avec des anneaux de métal, qui sert à mettre des feuilles "mobiles". Extraits de mes premiers chocs au bureau, à venir.

*** Scratchs en France, velcro au Québec.

**** Pôgner = surprendre. Le torrieux au Québec est une personne un peu espiègle, aimant jouer des tours ! C'est aussi un petit futé débrouillard, qui vient à bout des problèmes de toutes sortes. Jamel quoi !